le 4 octobre 1913, est probablement né en 1893 où ? dans les Bouches du Rhône vraisemblablement.
Le 3 août 1914, c'est la guerre ! et il combat dans la bataille de Charleroi.
Jean-Jacques LANNOIS de FALLEUR a repris les traces de son parrain Gaston PETIT (il était le correspondant de l'entraide française), et continue les recherches que celui-ci avait déjà entreprises sur ce Zouave :
* Gaston PETIT a écrit le 21 mai 1949 à Etienne ERNEST, 9 Quai de la Joliette à MARSEILLE : sa lettre lui a été retournée " RETOUR A L'ENVOYEUR ".
* Ensuite, il a écrit le 2 juin 1949 à la police administrative de Marseille (Hôtel de Ville), une réponse négative lui fut donnée par écrit en date du 11 juin 1949.
Jean-Jacques LANNOIS de FALLEUR possède le carnet de route d’Ernest ETIENNE, qui relate son aventure en direct, remarquable de style et de vérité. Sur son carnet figure un N° : 6332 Kie 3ème Zouaves à Tunis.
Dans son carnet, Ernest ETIENNE mentionne avoir 1 frère (Jacques), 2 sœurs, un petit neveu (André).
En page de garde on y lit entre:
« A la famille Guyaux,
A Octave,
A tous ces braves gens de Vitrival, qui m’ont abrité dans leur ferme au péril de leur vie, je vous dois une éternelle reconnaissance. »
Dans son carnet qui se termine le 1er juin 1916, on y note également des correspondances échangées en 1915 et 1916 entre lui et la famille GUYAUX, Octave, Mademoiselle Guyaux, « Bertha ». Bertha GUYAUX et son frère Octave sont les aïeux de Daniel TILMANT, Président d’Honneur du Comité du Souvenir de Le Roux. Bertha, âgée de 17 ans en 1914 est sa grand-mère maternelle, décédée le 1er novembre 1985.
Jean-Jacques LANNOIS de FALLEUR nous autorise la reproduction sur notre site du passage du carnet de route relatif à la Bataille de la Sambre et nous l’en remercions très sincèrement :
« 15 août 1914 : en route pour la bataille de Charleroi.
Le 15 août, on partait à notre tour pour une destination inconnue et nuitamment. Givors, Le Monial, Gien, Cosne, Dordives, Nemours, Fontainebleau, belles sont les localités qu’on passait tour à tour, viennent ensuite Laon, et Soissons, avec comme gare terminus Tournes. Ce trajet en chemin de fer avait duré deux jours. De Tournes, nous fîmes sac au dos et par temps pluvieux la route jusqu’à Rocroy, où on nous coucha sur le plancher.
A six heures du matin : réveil, pas de café, mais départ vers la Belgique. On passe la frontière à Gué d’Hossu, on est très fatigué et on a soif. On voit au passage des ponts des Belges armés de bâtons, souriant et criant : « Vive la France ». Plus loin, à la sortie de la grande forêt que nous venions de traverser, nous aperçûmes beaucoup plus de civils qui s’approchaient et nous faisaient, tout le long du chemin, une longue escorte.
Couvin est la première ville belge où nous avons fait halte repas. Les habitants nous donnaient à boire et nous faisaient beaucoup fête. Ce qu’on voulait nous était donné pour rien, et en un mot, on ne savait quoi faire pour nous faire plaisir. Deux heures du soir, départ de Couvin pour Mariembourg, où nous arrivons à 5 heures. On nous désigne une ferme pour y loger notre Compagnie. On prend place et bientôt après nous nous débarbouillons tous dans le ruisseau qui coule à côté, et sans faire attention aux belges femmes et jeunes filles qui nous regardaient faire notre toilette. En même temps, on préparait notre cuisine et un bon bouillon nous fut bientôt servi. Des conversations s’engageaient entre femmes et Zouaves, et, s’étant vus si peu, on se connaissait bien.
Pour ma part, je m’en fus me promener un peu en ville, et là, les jeunes filles nous dérobaient nos glands de chéchias et nous donnaient en récompense : rubans, médailles et autres choses, etc.…
On coucha fort bien la nuit, car il faisait bon et il y avait beaucoup de paille. Le lendemain, tout se déroulait en silence, et on vaquait à nos petites corvées : toilettes, cuisine, nettoyage d’effets, etc.… On voyait passer de temps en temps des officiers d’état major en automobile. Et toujours les curieux mariembourgeois qui nous entourent et nous comblent de présents de toute sorte. Le rassemblement de la Compagnie avait pour cause notre départ à onze heures pour Philippeville. Plein d’entrain, nous nous mettons en route, et après trois pauses nous arrivons à Philippeville. Comme à Mariembourg, nous fûmes bien reçus, et nous logeâmes au soir dans une ferme à proximité de la voie ferrée. Même accueil à Vodecée, où en revenant de l’exercice, nous tirâmes sur un aéroplane allemand. On nous dit plus tard, que celui-ci avait été forcé d’atterrir, et naturellement avait été capturé.
On soupe, on chante, on se couche enfin tranquillement pour prendre un peu de repos, lorsque tout à coup on crie en bas. On va partir, car l’ennemi tente de forcer la Sambre à Tamines, et nous sommes désignés pour aller renforcer la ligne de feu qui résiste victorieusement. Vite prêts, car nous l’étions à moitié, on se rassemble, on fait l’appel, personne ne manque. On commence la marche de nuit qui se continua par un grand nombre de marches détournées pendant le tout le lendemain.
On arrive à Arsimont, on attend, l’arme à la main, et disposés en tirailleurs. La voiture de compagnie nous apporte le maximum de cartouches, et on attend encore. Un ordre nous arrive de revenir sur Vitrival, mais avec de grandes précautions. C’est ce qu’on fit. Le bataillon était pour ainsi dire arrière garde de la retraite. Les mitrailleuses, les fusils, les canons faisaient entendre un bruit infernal. On était au soir ma demie-section qui était tout à fait derrière dut faire face à une patrouille allemande de 30 à 40 hommes. A 4 pas en tirailleurs, on avançait en tirant. A deux reprises différentes, j'entendis les balles siffler bien près de moi. On avança malgré la riposte et l’apparente résistance de l’ennemi. Celui-ci se replia dans une maisonnette située sur une petite colline que nous résolûmes de cerner. C’est ce que nous fîmes, et nous voilà à son assaut, baïonnette au canon. Pris de peur, les allemands s’étaient réfugiés dedans, et demandaient à se rendre, mais il n’en fut rien, car ils faisaient feu en même temps sur nous. On enfonça la porte, et partie dehors, partie dedans, il ne resta plus de cette patrouille que morts et blessés grièvement. De notre côté, nous avions quatre ou cinq blessés aux jambes, et notre sergent qui ne donnait plus signe de vie.
On fit immédiatement marche arrière et nous retrouvâmes la Compagnie à Vitrival attendant son passage sur la grand route Namur-Charleroi. Beaucoup de nos blessés gisaient çà et là et apparemment abandonnés à eux-mêmes. Je compris alors seulement que c’était la retraite qu’on faisait.
Vers sept heures et demie, la marche reprit vers la route, on croisait des blessés de tous côtés. En montant la rude côte qui sépare Vitrival de Roux, nous fûmes sérieusement canonnés par l’artillerie ennemie en position à Aisemont. Ordre fut donné de regagner le bois afin de se rassembler à l’abri, pendant que les dirapnels et les obus meurtriers pleuvaient comme la grêle. Etant dans les fossés du chemin, j’en profitais pour me soulager de mon sac, et ce, à l’imitation de tous les autres. Après quoi, par bonds de 30 ou 40 mètres, on tachait de rejoindre le bois sus-désigné. Ce fut inutile car un obus passa si près qu’il me coucha inanimé dans les pommes de terre. Je fus depuis lors séparé de ma Compagnie de mon bataillon et de mon régiment. »
25 août 1914 : la vie du juif errant.
« La nuit tombée revenue, je pensai préférable de regagner le bois et m’abriter jusqu’au lendemain. Ce que je fis la nuit se passa dans les transes et toujours en éveil. Le lendemain, je me dirigeai avec précautions sur la lisière dudit bois, et oh surprise ! J’aperçus des ennemis qui surveillaient les abords pendant que de très fortes masses d’hommes allaient sur Devant les Bois, Biesme et Mettet. La situation était très critique, et à moins de se faire tuer inutilement, il fallait encore attendre dans le bois plus de calme.
C’est ce que je fis. Je restai dans mon terrier deux jours, puis terrassé par la faim, je me dirigeai où j’entendais des aboiements de chiens et du caquètement des poules. Croyant trouver des gens, je ne vis que les bêtes dont j’entendis de loin les cris. Vaches à l’établi, chiens affamés tuant des poules. Je m’approchais doucement avec précautions, je vis des bonnes poires au pignon de la ferme, et j’en fis bonne chère. Elles me semblaient si bonnes que j’avalais les pépins. Ma faim apaisée, je fis le tour de la ferme, et vit sur une route beaucoup de troupes ennemies en marche sur Namur. Je remarquai aussi le pavillon allemand sur le clocher de l’église du Roux. Par moment, je dirigeai mon regard à travers la fenêtre de cette ferme. J’y voyais tout le mobilier d’une cuisinière, mais pas âme qui vive. Le soleil semblait seul donner un peu de vie par ses chauds rayons qui passaient au travers du haut de la porte.
Puis, tournant le regard vers la route, j’aperçois comme des formes humaines, mais grises, bouger insensiblement et se diriger vers moi avec les armes que je distinguais bien au milieu des avoines et des blés. Du côté du bois, j’entendis en même temps des gens qui criaient et s’appelaient probablement les uns les autres. J’entendais aussi le bruit d’un chariot ne comprenant rien à ce qu’ils disaient, je crus réellement à l’arrivée des Allemands et à la fin de nos jours. Pour faire face de mon mieux, je me mis dans une petite construction inachevée éclairée par une petite fenêtre, et je m’apprêtai à faire feu sur le premier soldat ennemi que j’apercevrai à la porte ou à la fenêtre.
Heureusement que tout arrivai pour le mieux, car c’étaient les gens de la ferme qui, s’étant sauvés pour éviter le front de bataille revenaient chez eux. Je me montre à eux en leur demandant ce qu’il y avait. Ils me disent de me cacher, car les allemands allaient arriver aussitôt. Je fis selon leur désir, et montai précipitamment dans la grange sur le foin. J’y fis un trou avec le jeune homme de la ferme. Il fit passer du foin sur moi, et j’attendis alors qu’il descendait pour aller soigner les vaches.
D’autres ordres et cris semblables aux premiers parvinrent jusqu’à ma cachette. C’était bien alors des allemands qui arrivaient pour visiter la maison, et pour chercher aussi après des français. Je restais toujours caché et bien silencieux. Les allemands furent bien accueillis par la fermière et contents de cela, ils partirent après avoir demandé des œufs qu’ils payèrent en monnaie allemande. On pensa à moi aussitôt après leur départ. Octave, le fils du fermier m’apporta du café et deux bonnes tartines au beurre. Je fus alors bien rassasié. Comme la nuit approchait, je descendis en bas sur l’invitation du patron. Je mis d’autres effets civils et on cacha mes effets militaires. Comme eux, j’avais besoin de repos, et après quelques petites conversations, on se dit bonsoir. Quant à moi, j’étais le bienvenu, car malgré le danger, on me fit coucher avec Octave même dans un lit bien chaud et bien doux. Dès lors, je jurais à moi-même une éternelle reconnaissance à ces braves gens.
Le lendemain matin et les deux jours suivants, tout allait comme si j’étais de la maison. Je faisais de petites besognes tout en me tenant à l’écart des gens qui pouvaient passer. Malgré ces précautions, je fus aperçu par des jeunes gens de Vitrival, qui dirent à la patronne de me faire partir, sinon le patelin en souffrirait tout entier si j’étais pris. Les allemands brûlent tout (en référence à Andenne, Dinant, Tamines), et le mieux c’est de le faire partir. Sans y rien comprendre, j’entendis moi-même ces propos. Aussi, je ne fus pas étonné quand on me dit qu’on ne pouvait plus me garder. On m’indiquait une ferme où il y avait d’autres français qui y restaient pour soigner le bétail et qui se trouvaient dans les mêmes conditions que moi. J’acceptais. Me voilà parti avec Octave pour cette ferme. Il me la montre de loin. J’y vais. Là on me donne du lait et on m’indique pour coucher. Il ne fallait pas se montrer, et c’est pour çà qu’il fallait aller se coucher de bonne heure. Je monte dans le foin, et là en compagnie d’un autre soldat blessé, je passais deux jours et deux nuits. Les soi-disant fermiers s’occupaient peu de nous. On a eu du lait pour tout repas. Le camarade blessé avait en outre eu deux œufs, mais il paraissait tout dédaignait, car il souffrait beaucoup, et il n’était guère soigné. Heureusement qu’à mon premier refuge j’avais eu du pain, et bien que fort aride il me semblait bon.
Le troisième jour, on me dit qu’il fallait partir, qu’on ne savait plus me garder. Un camarade m’attendait plus loin, et au matin de bonne heure, à la faveur du brouillard, on se met en route l’un vers l’autre. En effet, on se rencontra et en se causant, on se reconnut pour les deux qui se cherchaient. Nous ne savions quoi faire ainsi. Après réflexions, nous allons à la maison où il avait couché (J. Cerfaux). Là nous y passâmes toute la matinée, mais les gens de Le Roux nous firent encore partir, prétextant les atrocités des allemands en cas de découverte.
N’en pouvant rien, et ne voulant pas causer de malheurs de notre faute nous partîmes pour de bon, voulant tacher de regagner si c’était possible. Mais il était blessé aussi et il ne savait pas beaucoup marcher. On arrive à la ferme Jassogne, où on demande à manger et à loger. On nous reçoit de leur mieux, puis on va coucher dans le foin. Au lendemain, on demande de rester ; on travaillerait à la moisson. On allait ainsi lier les gerbes quand le jour suivant mon camarade voulut aller se faire soigner à la Croix Rouge à Vitrival. Il y allait mais ne tarda pas à être expédié en Allemagne, vu la légèreté de sa blessure. Quant à moi je restai tout seul et restai à la ferme où je travaillais à la maison avec les ouvriers belges.
Après la moisson et les autres travaux des champs, je restais encore toute la saison d’hiver pour soigner et nettoyer tout le bétail (oh ! les bêtes à cornes). Je travaillais de mon mieux et j’étais assez bien vu des patrons. Je passai donc l’hiver jusqu’au mois de février (1915). J’étais bien tranquille et les ouvriers de la ferme venaient me voir le Dimanche. Mais le 4 février, on apprit à la ferme qu’on avait traqué d’autres français à Evrement ( ?) et que les gens qui les gardaient avaient été condamnés à 10 ans par les conseils de guerre allemands. On décida de ne plus me garder et je partis le 6 février à Devant-les-Bois chez Léon Denis, un ouvrier de la ferme. Sa mère s’offrit pour me laver mon linge et je me décidai à voyager de part et d’autre chez des connaissances. C’était la vie du Juif errant. L’accueil que je reçus de tous les côtés est inoubliable pour moi. De toutes parts on trouvait que je ne venais pas assez souvent chez eux. Les travaux du jardinage et les fenaisons commençaient.
Aussi tant pour me rendre utile que pour sortir de mon désœuvrement, je travaillais tantôt par ici, tantôt par là. J’appris à bêcher, à planter les patates et à faner. Plus tard je liais les gerbes de froment et d’avoine dans les champs, et le dimanche sans prendre de précautions, j’allais à bicyclette dire bonjour à mes amis de plus en plus nombreux.
Je voyais souvent de mes camarades : Pierre C. Jean Louis Adolphe et Pierre L. De leur côté, ils jouissaient aussi d’une vie douce et facile. On était au 25 octobre, lorsqu’un décret du gouverneur général en Belgique (Baron Von Bissing, Général de cavalerie déclare : « Sa Majesté l’Empereur et Roi ayant daigné me nommer Gouverneur général en Belgique j’ai pris aujourd’hui la Direction des Affaires ». A noter : en Belgique, la situation monétaire est très différente ; les Allemands agissent comme si le pays était annexé) stipulait que toute personne ayant appartenance à une armée ennemie et se cachant en Belgique serait fusillée si elle ne se rendait pas volontairement dans les 24 h- sinon les gens qui secourraient ces militaires seraient fusillés avec eux. Et même il les sommait de dévoiler la présence de ces militaires sous peine de mort.
Vu ce décret et sur les conseils de braves gens qui nous avaient fait tant de bien, on décida de se rendre tous ensemble. »
28 octobre 1915 : en route vers la captivité.
« On apprêta mon ballot et le 28 octobre après avoir dit bonjour à tous mes amis, je prenais le tram à Vitrival (chemin de Walcourt) en compagnie des copains précités pour se rendre à Fosses.
L’autorité allemande nous reçoit assez bien, elle inscrit nos noms et nous dit que nous serions prisonniers de guerre. On couche le soir à la gendarmerie de Fosses. On y reste encore tout le lundi matin. Les gens de Vitrival apprenant que nous étions encore à Fosses, vinrent nombreux nous voir et nous apporter toutes sortes de victuailles : vin, pain d’épices, pommes fruits et confitures etc…On se dit au revoir une dernière fois, mais on ne savait encore si on partait au soir. Il n’en fut rien car on y passa encore la nuit. Le 30, de bon matin, départ pour Tamines à pied, on passe par Vitrival, à Tamines on prend le train pour Namur. On fait aussi deux autres connaissances Hays et Ernest Ja.
On passa à Auvelais, Jemeppe, Moustier, Franrière, Floreffe, Flawinne, Ronet. On arriva à Namur à 11 heures. De la gare à la Commandanture (c’est ce qui est bien écrit dans son carnet), les Namurois sont fort intrigués de voir ce défilé. On nous introduit pendant dix minutes à la Commandanture du bout desquels on repasse par la gare pour aller en prison. Aux préaux, on nous sert du café, puis au soir on nous rassemble car ici on était nombreux (près 500). On nous fait mettre par groupe, et on en appelle presque la moitié. Le restant (c’est-à-dire d’autres soldats français) fut remis en cellule par 5 hommes dans chacune. C’était étroit et se voir enfermer ainsi me paraissait fort triste. J’étais encore avec mes amis : P.C Adolphe Louis et Jean. La vie nous paraissait fort désagréable à tout point de vue. La nourriture était insuffisante et mal préparée. Malgré cela on s’habituait petit à petit. Le 31, on resta toute la journée enfermé, le 1er jour de la Toussaint, on demanda pour aller à messe naturellement on s’empressa d’accepter, rien que pour sortir du trou N°110.
A la messe, chacun est dans une petite case où l’on peut à peine se bouger. Le plus grand silence règne, il y a quelques communiants. On vient nous ouvrir, car la messe est vite dite. On rentre de nouveau dans la cellule. Les camarades jouent aux cartes pour passer leur temps. Moi je lis des livres de voyage du Congo. On apporte un seau d’eau et un torchon pour nettoyer un peu la cellule. Je vais le valet de chambre et çà me distrait un peu.
Le soir on nous laisse enfermer et le lendemain un nouveau prisonnier vient. Puis deux jours un autre, ce qui monte les locataires de la cellule 110 à 7. Ils ont 5 paillasses et 2 couvertures chacun.
● A 7 heures réveil puis distribution de café et de pain ½ heure après.
● Entre 11 heures et midi, soupe tantôt au riz et tantôt aux haricots.
● A 2 heures : promenade dans les préaux jusqu’à 4 h. On rentre et à 6 ½ - 7 heures, on nous distribue une faible ration de pommes de terre cuites à l’eau.
Jusqu’au 13, il en a été ainsi, on commençait à s’habituer à cette claustration. L’aumônier de la prison avait obtenu la permission de nous vendre tout ce dont on pouvait avoir besoin en prévision du départ en Allemagne. C’est ainsi que j’ai acheté des sardines, du pain d’épices, du chocolat et une valise (sac de voyage) pour mettre mes petites affaires dedans.
Comme on nous avait dit : le 13 à 3 heures du matin, on nous rassemble, on va à la gare et on embarque dans des wagons aménagés par groupe de 30 hommes. A 3 ½ on filait vers l’Allemagne en passant nuitamment par Huy et Liège. Je reconnais à l’aurore Ensival et à Verviers il fait bien jour. A Heberstal, c’est la frontière germano-belge. Dans cette gare, on nous fait descendre, et on nous sert de la soupe aux choux bien réchauffante. Cette cantine vendait du papier à lettre et des cartes de vues. J’en achète et à la hâte j’en écris une en Belgique, je la remets avec les deux sous à un soldat allemand qui m’affirme qu’elle parviendra, mais j’en doute. Il était 10 heures lorsqu’on remonte sur le train, on file toujours vers l’est en passant par : Ronheide, Aix la Chapelle, Itomberg, Eschweber, Neuss, Dusseldorf, Elberfelt, Bologne, Barmen. On arrive enfin au camp de Sennclagerb le 14, c’est-à-dire dimanche matin à 5 heures. L’aspect était fort triste et le vent froid du nord sifflait. On nous abrite tous dans une grande tente en attendant de passer à l’inspection de nos colis et notre linge.
On y passe en effet, on nous fouille à tour de rôle, notre argent est pris contre reçu. Un coiffeur nous coupe les cheveux à ras, on passe aux douches et pendant ce temps nos effets d’habillement passent à la désinfection à la vapeur. C’était 2 heures, on nous conduit au bureau du camp pour nous marquer d’un Z (civil) sur le pantalon, le veston et le pardessus. Cette opération terminée, on va à la cuisine où l’on nous sert de la soupe chacun dans une gamelle. En prévision du coucher, on nous donne 2 couvertures chacun et des paillasses en raison de 2 pour 3 hommes. Bref on couche, tant bien que mal dans le grenier d’un bâtiment déjà occupé par d’autres prisonniers plus vieux.
Pas de feu, on sentait la bise. Le lendemain lundi on déménage dans une baraque qui nous est destinée. On s’installe par groupe de 24 à 25 hommes. C’est ici que nous serons définitivement installés.
La lumière a fait défaut les 2 ou 3 premiers jours, mais à présent il y a deux lampes qui éclairent convenablement bien. On a deux appels par jour, le matin à huit heures et le soir à 6 heures dans la chambre même, car il fait trop froid dehors.
L’alimentation comprend : le café au matin, soupe à midi, soupe au soir. On touche environ 200 gr de pain par jour ainsi qu’un morceau de saucisse. Le samedi on touche ration double mais pour deux jours. A peu près une fois par semaine on va faire semblant de travailler. Tantôt on va à la gare pour l’embarquement ou le débarquement des colis, tantôt on fait les terrassiers. Mais des deux côtés on n’en fait pas lourd. On peut aussi aller à messe tous les jours à 7 heures. La cantine nous vend assez cher il est vrai, des produits assez bons, tels que saucisson, chocolat, confiture, miel, sucre, tabac et cigares.
En un mot, on est pour ainsi dire, comme au régiment, mais pas aussi libres en étant de l’autre côté plus en repos. »
Qu’est-il devenu ? il y a des pistes :
- On sait que le 11 mars 1916, il est conduit à l’hôpital qui diagnostique une pleurésie.
- Il y a un retrait d’argent de 10,52 mark le 28 mars 1916.
- Il doit être fortement question de rapatriement.
- Sur son carnet est mentionné : départ le 20/7/16.
A-t-il fondé une famille ? il y a aussi des pistes :
- On sait qu’il n’est pas marié en partant au service militaire.
- Il parle souvent de son neveu.
- Il correspond avec beaucoup de familles et de Melle.
- Il dresse un inventaire du trousseau de la mariée (dote).
Dans la chronologie des événements, on note dans son carnet :
1. « A Arsimont nous sommes au combat en position de Tirailleurs.
2. Ordre de revenir sur Vitrival : notre ½ section doit faire face à une patrouille Allemande (30 à 40 hommes). Avançant à 4 pas en Tirailleurs, nous arrivons à faire replier les Allemands qui se réfugient dans une maisonnette située sur la petite colline. Baïonnette au canon nous portons un assaut : tous morts ou blessés grièvement côté allemands, 4 à 5 blessés aux jambes et 1 morts (notre sergent) de notre côté.
Nous continuons notre marche arrière, et retrouvons la Compagnie à Vitrival.
Là, je comprends que c’était un ordre de retraite qu’on exécutait.
3. L’artillerie allemande en position à Aisemont, nous canonne sur la route allant de Vitrival à Le Roux. Nous nous réfugions dans le bois quand un obus passa si près qu’il me coucha inanimé dans les pommes de terre. Je perds à ce moment tout contact avec ma Compagnie, mon bataillon, mon régiment.
Je reste dans mon terrier 2 jours.
Avec la faim, je m’approche d’une ferme avec prudence car je vois beaucoup d’hommes qui allaient sur Devant-les-Bois, Biesme et Mettet. Je vois aussi d’ennemis sur la route de Namur et le drapeau Allemand flotte sur le clocher de l’église de Le Roux.
J’arrive à la ferme où je suis comme à la maison avec Octave.
Mais il me faut partir à cause des représailles. J’y suis resté 2 jours
4. J’arrive à la maison J. Cerfaux où au bout d’un jour je dois à nouveau partir.
5. Conduit à la ferme Jassogne, je demande de rester pour les moissons avec les ouvriers belges. J’y suis resté toute la saison, et propose de soigner le bétail tout l’hiver jusqu’en février.
6. Toujours à cause des représailles, on ne veut plus me garder, et le 6 février, un ouvrier me conduit chez Léon Denis à Devant-les-Bois. J’appris à bêcher, et à planter, et prenais quelque liberté pour aller dire bonjour à mes amis en bicyclette.
7. 25 octobre 1915 : le Gouverneur général de Belgique : Von Bissing stipule que toute personne ayant appartenance à une armée ennemie serait fusillée.
8. 28 octobre 1915 : on décida de se rendre tous ensemble. Je prends le train à Vitrival pour Fosses.
9. 30 octobre 1915 : Fosses, Vitrival Tamines à pied, puis train pour Namur. Arrivée à 11H, on se rend à la Commandanture.
10. 31 octobre 1915 : on resta enfermé toute la journée dans la cellule 110. »
C’est un témoignage émouvant ! L’objectif de Jean-Jacques LANNOIS de FALLEUR est de retrouver sa famille… au gré de la vague Internet ! Il attend, impatiemment, le miracle du net et aimerait recevoir plusieurs messages grâce au site « La Sambre Août 1914 ».
Jean-Jacques LANNOIS de FALLEUR habite maintenant Fréjus. Toutefois ses ancêtres les « FALLEUR » sont belges de 1645 à 1880. Ils se sont distingués dans les verreries à Charleroi et Jumet, puis sont partis vers la France à Quiquengrogne, à Montdrepuis, enfin à Trélon dans le Nord à 30 km de Chimay, village où Jean-Jacques est né. C’est dire combien, il connaît bien ce petit village à la frontière de l’Entre-Sambre-et-Meuse… On ne quitte jamais son village… on s’absente.
Pour l’aider dans ses recherches, vous pouvez prendre contact avec lui à :
Villa Huahiné
140, rue Stanislas Huguetto, à F.- 83600 Fréjus.
Tél. : 0033/494.40.38.40
e-mail : jean-jacques.lannois@wanadoo.fr
Son site : http://pagesperso-orange.fr/tourfl/
Réaction n°2 |
par USSON le 25/11/2018 @ 20:07 |
bonjour, je lis avec beaucoup d'attention le récit d'Ernest ETIENNE. Il complète ma connaissance de ce triste passage de l'histoire. J'ai suivi, par divers biais, le cheminement de mon oncle qui a sans doute partagé la vie de E Etienne. Il s'agit de Marius Barthelemy USSON né en 1891 à la Ricamarie Loire, mineur, au service militaire à Tunis 3e zouave et engagé dans la bataille de Charleroi. Il est décédé le 22 aout 1914 à Oret en Belgique. je me suis rendu sur les lieux et je participe au parrainage d'une tombe du cimetière de la Belle Motte: celle du Caporal François Celestin Roger: c'est très émouvant. Je n'ai aucun document concernant mon oncle et ne peux vous apporter des pistes de recherches. mais j'apprécie beaucoup votre initiative de mettre en relation les descendants de ces hommes sacrifiés. Usson Régis Coulouvras 42590 Neulise. |
Réaction n°1 |
par zouawa le 17/08/2012 @ 17:45 |
ancien du 9ème Zouaves (guerre d'Algérie), j'apprécie la qualité du récit! bien que secrétaire de l'Union Nationale des Zouaves, je ne peux vous donner de renseignements sur Ernest. Ils étaient si nombreux à combattre dans les différends régiments de Zouaves près de 8 000 sont morts sur le sol belge durant cette guerre. le monument de Coxyde rappelle leur sacrifice. peut être serez vous aux cérémonies de ce dimanche 19 août? bien cordialement jmf |